Où je vis mon pire cauchemar...
On est bien d'accord que tout le monde a ses petites phobies. Pour certains, c'est les araignées, pour moi, c'est les moyens de transport. Je vous vois vous inquiéter, rassurez-vous, dans l'ensemble je gère plutôt bien. Je dis bien dans l'ensemble : j'ai passé mon permis il y a bientôt cinq ans mais n'ai quasiment pas reconduit depuis l'examen (sauf quelques fois le dimanche en tournant en première sur le parking de Carrouf), mais j'accepte de monter dans une voiture. Le train, je ne sais pas pourquoi, ça va. Le métro, ben ça dépend : tant qu'il roule, je vais bien, s'il s'arrête entre deux stations, c'est la cata, je stresse. L'avion, c'est un cran au-dessus, j'ai peur tout le long du vol, je n'ose pas bouger, je deviens verte en cas de trous d'air.
Mais le pire, c'est l'ascenseur. Je ne sais pas pourquoi, mais l'idée de monter dans cette petite boite me terrifie. J'ai peur de rester coincée, ou que l'ascenseur lâche et... vous imaginez la suite. Bien sûr, pour affronter ma peur, j'accepte de monter dans un ascenseur avec des amis. Mais j'ai découvert que certains avaient un sens de l'humour plus que douteux : je leur fais part de ma peur, et eux, ils sautent dans l'ascenseur "pour faire une blague". En général, ils rient nettement moins lorsqu'ils me voient accroupie, en pleurs dans la cabine.
Toujours est-il qu'une de mes amies vit au septième étage d'un vieil immeuble parisien. Bien sûr, pour monter chez elle il y a un ascenseur, surnommé "le cercueil volant". Il accepte deux personnes, une charge de 150 kilos, et franchement, on se demande comment il peut encore fonctionner. Nous montons dedans, nous sommes plus proches que nous ne l'aurions jamais souhaité (en gros, on est vraiment collées) elle appuie sur "7", il décolle, soupire, et plus rien. Il faut comprendre la situation : nous sommes deux dans une petite boite sans air, et faire un mouvement est inenvisageable. En gros, je vis mon pire cauchemar. On appuie sur le bouton "Alarme" (je m'étais toujours demandé si ça fonctionnait), et sa concierge arrive.
Moi : On est coincées entre quels étages ?
Elle : Le rez-de-chaussée et le premier.
Moi : C'est un bon point, on ne risque pas de mourir écrasées dans un amas de tôle.
La concierge : J'ai appelé le dépanneur, il arrive, ne vous inquiétez pas.
Ma copine et moi, en choeur : Merci ! Mais il arrive quand ? (Ca fait dix secondes qu'on est bloquées, on en a déjà marre, il fait chaud, on ne peut pas bouger).
Silence de la concierge, puis :
-Vous ne trouvez pas que ça sent le brûlé ?
Nous : non... (Ok, je ne panique pas, s'il y avait le feu je le verrais quand même non ?)
La concierge : Oui oui je me suis trompée... Bon je vais rappeler le dépanneur et prévenir les pompiers, je reviens ne vous inquiétez pas, tout va bien."
Ce n'est pas possible, je vais mourir dans cet ascenseur. Je m'évanouirais bien, mais je n'ai pas la place, on est obligées de rester debout. Je pense à mon homme, à mes parents, ils vont me manquer. Je n'ai pas envie de mourir si jeune, en même temps, je savais que j'étais destinée à un destin tragique, comme Marilyn, ou Grace Kelly. En attendant, il faut que je reste digne dans ces derniers instants. En plus, ma copine panique sévère, elle n'arrête pas de répéter qu'on va mourir. Moi je voudrais qu'elle arrête de parler parce que je me souviens très bien, dans La nuit des héros, ils disaient qu'il ne faut pas parler, ça prend trop d'air. Ma copine dit qu'elle s'en fout, de toute façon on va mourir. La concierge revient, elle nous annonce que les pompiers ne viennent pas pour les ascenseurs. Je ne comprends pas pourquoi ils se déplacent pour les chats dans les arbres et pas pour les blondes dans les ascenseurs. Ma copine veut être un chat. On commence à vraiment manquer d'air.
Au bout de 30 minutes, le dépanneur nous libère enfin. Le destin m'a accordé une seconde chance. Je savais bien que je ne pouvais pas avoir une fin aussi jeune, j'ai de grandes choses à accomplir...
Lorsque je suis rentrée chez moi quelques heures après cette aventure, j'ai observé mon frigo, qui est on ne peut plus normal, et bien croyez-moi si vous le voulez, mais l'ascenseur en question, il était plus petit. Depuis, je monte les étages à pied.